dimanche 29 novembre 2015

Mon domaine au Canada - 2nde partie

En sortant de Toronto, direction Niagara par la QEW, une belle autoroute typiquement nord-américaine qui traverse cette partie véritablement belle du sud de l'Ontario. Des petites collines verdoyantes tombant sur une bande de plaine jusqu'au bord du lac Ontario, l'autoroute conduit tout droit vers la frontière US. 
En arrivant sur le versant sud du lac, on entre dans une région viticole largement annoncée par les nombreux panneaux routiers pointant les domaines locaux.
Du vin de Niagara ? Ah ouai ? Ok faut voir... 

La première impression de la culture locale en matière de vin nous laisse un peu dubitatif. Ca sent le « business », un peu trop même. La quantité de parcelles au fil de la route à de quoi soulever ici une question légitime : la chute du marché agricole traditionnel local n’a-t-il pas poussé les agriculteurs à le remplacer par la très porteuse filière viticole ? Et au risque de voir un peu tout et n’importe quoi être fait au prétexte de la rentabilité, il est clair que les investisseurs financiers s’en donnent à cœur joie dans la région. Les batiments sont tous plus neufs (voir en chantier) et exhubérants les uns que les autres, de prime abords cela manque un poil d'âme et d'histoire. Mais ne préjugeons pas et laissons venir une curiosité attisée par des noms de domaine plutôt inhabituels. Pour exemple, arrêt obligatoire chez "Organised Crime Winery", irrésistible. On pourrait presque lire "Attention, si vous n'aimez pas notre vin, vous finissez dans un coffre de voiture !". 

"Organised Crime Winery"
Malheureusement le domaine est fermé, pour "affaires urgentes" surement, du coup on reprend la route et on s'arrête au hasard chez un petit domaine plutot cossu, au bord d'un vignoble cerné d'une somptueuse forêt : "Hidden Bench". 
Porte ouverte, intérieur bois et matériaux nobles, une jeune étudiante en oenologie nous accueille et nous sert un speech bien préparé mais pas dénué de passion. L’entrée en matière est plutôt agréable, alors allons-y pour un aperçu des arômes locaux... et nous ne serons pas déçus, car la barre est placée très haut. 

Visite chez Hidden Bench
Tant en blanc qu'en rouge, les vins sont de haute volée. Travaillés "à la française", ils offrent malgré tout une typicité de terroir bien locale en démontrant un savoir-faire plus épanoui qu'au Québec. Les blancs donnent par exemple un chardonnay très ample et puissant,  d’une belle minéralité qui équilibre un beau gras, à l'image de la cuvée "Felseck Vineyard" 2012, du nom de cette parcelle bien exposée au soleil en contrebas du domaine, qui donne un blanc fleuri de très bonne table. 
Les rouges quant à eux offrent 4 cuvées bien progressives, d'une entrée de gamme fruitée typée Syrah sud-Rhône, jusqu’à une tête de cuvée puissante, tannique, au fruit presque confit, qu’on rapprocherai plus d’un travail à la bordelaise. Un résultat plutôt étonnant pour des ceps qualifiés de « vieilles vignes » avec à peine 20 ans de croissance ! 

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En une petite heure, nous sommes finalement ressortis ravis tant l’échantillonnage était ici de belle valeur. Un beau domaine, de beaux vins déjà bien élevés, avec une belle marge de progression. Si le niveau global des autres domaines de la région est identique, ça promet de belles surprises.

Alors certes l’habitude locale de faire payer la dégustation est dérangeante, certes le vieillissement des cuvées n’est pas encore tout à fait prévisible, mais l’enthousiasme est bien présent. Le Canada a encore du travail à faire mais il semblerai qu’on puisse compter sur la passion et l’approche très professionnelles de ses représentants pour donner un beau pays du vin d’ici quelques années. Pour le moment on y trouve de tout et de n’importe quoi, mais c’est de là que partent les meilleurs découvertes. A essayer !

Découvrez Hidden Bench 

dimanche 8 novembre 2015

Mon domaine au Canada, 1ere partie

Le Canada.Voilà 15 ans que je n'y avais pas mis les pieds, et c'est vrai qu'à l'époque où j'y habitait mes tendances étaient plus aux obscures bières des bars nocturnes Montréalais qu'aux vins fins. Alors quelle ne fut pas ma surprise en découvrant une réelle culture du vin en cette terre promise nord-américaine. 

Alors bien sur, trop peu de temps pour faire un tour exhaustif des appellations, domaines et terroirs, mais j'ai pu tout de même me faire une rapide 1ere idée du développement viticole canadien, entre le Québec et l'Ontario.

Et ce Québec justement, parlons-en. Du moins essayons, car l'offre est encore assez restreinte. Ceci dit nous avons découvert une région qui se lance dans l'aventure aux portes de Montréal, dans la région de Lanaudière : quelques domaines naissants, parfois en recyclage agricole, se partagent la région avec plus ou moins de réussite. Avec une terre difficile à cerner en bord de fleuve Saint Laurent et des cépages locaux encore trop jeunes pour donner tout leur potentiel (dont le "Frontenac" hybride qui résiste au froid !), l'essai n'est pas tout à fait transformé et les vins sont encore... hum... comment dire... un peu verts, quelle que soit la couleur de départ.  
Le manque d'expérience presque attendrissant des vignerons locaux y est peut être aussi pour beaucoup, mais comment leur en vouloir avec des conditions si particulières : vieillir des ceps ou s'adapter aux saisons locales demande du temps. Pour exemple cette technique d'enterrement des vignes sous neige en hiver, sur le principe de l'igloo, pour limiter la chute de température. Bref, on est pas dans les conditions françaises ici, et même le Pinot Noir doit s'adapter. Alors avec à peine 20 ans de viticulture sérieuse derrière lui, le petit monde du vin Québecois à de quoi se développer et tout reste à faire. 

Et heureusement chez certains le gout de la découverte donne des ailes. Si les vignerons québecois sont comme des enfants en pleine croissance, ils apprennent vite. A l'image du Domaine Carone, qui propose des vins déjà très identitaires et qui n'hésite pas à expérimenter sur toutes les couleurs. Les ceps ont encore besoin de vieillir un peu, mais une typicité de gout commence à se révéler. La cuvée "Bin33" rouge me semble être la plus intéressante, car elle donne un aperçu très typique du raisin local Frontenac, avec un vin assez ciselé au fruit épicé étonnant. En second choix le "Venice" donne un Pinot Noir frais et inhabituel pour nos palais français. Le reste de la gamme est à mon sens encore un peu inégal mais globalement réussi. En bref, dans une région ou tout n'est pas encore valable, Carone est une belle adresse à découvrir.

Merci à Felix-Antoine et le domaine pour leur chaleureux accueil et la sincérité de leurs vins, cela promet de belles années à venir dans le verre...

Site web : Domaine Carone

Domaine Carone - Quebec CA

 

vendredi 27 mars 2015

Domaine des Bruyères - Entre Ciel et Terre 2010

"Entre Ciel et Terre"... C'est bien là que nous emmène ce vin. C'est un Crozes-Hermitage qu'on oublie pas, un de ceux qui laissent des traces dans la mémoires tant leur typicité rend hommage à leur cépage. Et sur cette 100% Syrah vieilles vignes, c'est tout le potentiel du fruit que Mr Reynaud tire de ses cuves en béton. 
Grâce à ça (et un peu de talent quand même !), pas de gout d'élevage au coin de la bouche. Ce qu'on goute, c'est le vin, net, précis, riche et ample, et la biodynamie prend alors tout son sens. 

A l'oeil, c'est d'un noir d'encre aux reflets sanguins, imprimé bien net et plein sur un bouchon parfaitement en place.
Passons au nez : dense, presque entêtant, ça sent le fruit rouge mur et les épices, ça pique presque les narines et c'est superbe.
Une fois en bouche, surprise, le vin est un poil carbonique. Mais rien d'éliminatoire, ça ajoute même au plaisir du premier contact. Pas besoin de secouer le gaz s'évacue bien à l'ouverture. Et là, en embuscade, on prend pleine poire ce vin franc et tonique, à la charpente solide et équipé d'une acidité qui donne de l'équilibre à l'ensemble. Celle ci laisse d'ailleurs penser à de belles années encore de vieillissement. 
Mais vieillissement ou pas, aucun regret d'avoir ouvert ce somptueux flacon, car en l'état ce 2010 offre une matière déjà bien soutenue et riche, avec tout ce qu'il faut de lard, de fruits rouges murs et d'épices, le tout saupoudré d'un peu de ce poivré typique de la Syrah version "brutus".

Voilà donc un vin de compèt', viril, à la longueur infinie et qui méritait bien ses 5 ans de travail pour finir dans nos verres.
En tout cas, je ne suis pas fâché d'avoir attendu 2 ans après l'achat au domaine pour l'ouvrir, et surtout je ne suis pas fâché qu'il m'en reste en cave. 
A ouvrir sur des plats corsés, viandes sauvages ou autre plats de charpente, en compagnie de fins connaisseurs au palais entrainé... Quel vin !

Domaine Les Bruyères - David Reynaud


lundi 26 janvier 2015

Arnaud Ente - Meursault Village 2009



Branché Arnaud Ente ? Oui il parait, dans les petits couloirs de la gastronomie Arnaud Ente semble faire l'unanimité depuis quelques temps, avec son aura de mystère et ses vins quasiment introuvables. Grands restaurants, bouteilles distribuées au compte-goutte et quantités homéopathiques, c’est exclusif et hors de prix. Alors Mr Ente surferait-il sur un phénomène de mode ? Nos papilles seraient-elles dupées par un tour de magie commercial autours d’appellations bourguignonnes propices à tous les abus ?

On peut toujours faire une levée de boucliers sur les prix, crier au scandale quand l’exclusivité est poussée mais laissons ça, il est temps de gouter…et pour ma part la réponse à toutes ces questions est : non !

Suggéré par le sympathique sommelier de l’Auberge de l’Ile à Lyon (qui au passage se trouve être le meilleur 2 étoiles de tous les 1 étoiles que je connaisse ;) ), je n’avais jamais entendu parler de Mr Ente. Alors soit, un Meursault Village à 150 € à la carte c’est curieux, mais "soyons désinvoltes" et ouvrons ça pour voir…

Un Meursault, c’est typique, reconnaissable au nez comme à la bouche entre tous, et le moindre déséquilibre est sanctionnable. Là, c’est un Meursault dans le Meursault. L’œil est limpide, cristallin, le nez lui est vif et pétillant, sur cette brioche que l’on va retrouver traditionnellement en bouche par la suite. Et cette bouche justement, est surprenante : le vin est ciselé, droit, minéral et frais, et l’équilibre avec le gras est tout simplement bluffant. Naturel, il ne fait pas « rajouté » comme on peut le sentir parfois sur des Meursault trop aromatiques, et contribue à l’ampleur du vin sans aucune lourdeur. Le brioché est bien là, légèrement noisetté et fleurs blanches, avec une belle finale salivante et marine qui donne une saveur inhabituelle pour un Meursault. L’expérience est vraiment plaisante, ce vin est parfait d’équilibre.

Un Village qui vaut bien des 1er Crus de l'appellation, ça fait plaisir à voir, encore plus à gouter. Je suis d’ailleurs curieux de connaitre d'autres vins de votre gamme. 
Quoi qu’il en soit, chapeau Mr Ente, je n’acheterai pas des caisses de vos vins, ce n’est pas faute d'aimer dès la 1ere rencontre, je n’ai pas les moyens. Mais il n’y a pas là de reproche car c’est finalement une bonne chose : vos vins doivent rester un plaisir rare, exclusif, réservé aux belles occasions !

Arnaud Ente - Meursault 2009




jeudi 8 janvier 2015

Marc Barriot Le Clot de L'Origine - 100% Carignan 2011

"C'est un petit domaine qui nous ramène aux origines..." Les vins de Marc Barriot, produits en petites quantités, élevés avec la nature, à la force des mains et du temps, sont une bouffée d'air et de nature.
Voilà un domaine où l'estampille "Bio" n'est pas qu'une étiquette marketing, où elle se ressent dans chaque bouteille et donne des vins libéré des cadres gustatifs établis, énergiques et imprévisibles. Non seulement c'est une belle histoire, en plus c'est tentant, mais surtout c'est réussi.

On le sait, le Languedoc offre des terroirs parfaits pour une telle philosophie. C'est lors d'un passage à la Cave Fervérè dans le 11eme à Paris, qu'Olivier le patron pose ce flacon "100% Carignan" sur la table, et je le remercie encore pour cette petite découverte.

Je rouvre donc ce soir une bouteille de ce Clot 2011 pour valider mon agréable premier avis sur "l'Origine".

A l'oeil, le verre se remplit d'un jus rouge sang virant au violet cuivré, épais et trouble. Un peu fermé à l'ouverture, le carafage 1 demi-heure le libère de la bouteille et le nez devient alors plus franc. C'est fruits rouges murs et groseilles qui amenent une bouche un poil acide, d'attaque sanguine et animale, sur des arômes plus fruits des bois. Cette bouche, c'est une charpente droite et naturelle, teintée d'une agréable âpreté terreuse qui se transforme en longueur veloutée. C'est un carignan pur jus, très terroir, transformé en nectar par un joli tour de force. Un vin naturel et franc mais à la puissance modérée et accessible, à boire entre amis sur des viandes corsées.
Merci Mr Barriot, vos vins sont un hommage à la nature et au terroir de votre région. On en redemande !

 http://www.clotdelorigine.com/


"100% Carignan" 2011 Le Clot de l'Origine - Marc Barriot